Écrit par Charlie, Scrum Master

Suite à notre premier Sprint Planning, j’ai envoyé un résumé à toutes les parties prenantes pour présenter l’engagement de l’équipe pour le Sprint. Je ne m’attendais pas vraiment à recevoir une convocation chez notre CEO pour lui expliquer ce que sont les Story Points et pourquoi nous ne raisonnons plus en jours/homme.

Camille m’accueille dans son bureau accompagnée par Dominique, notre DSI, et engage directement la conversation :

“Charlie je t’ai demandé de venir pour que tu m’expliques cette histoire de Story Points, tu m’as complètement perdu avec ton email.

– En effet c’est perturbant quand on est habitué à parler de charge et de jour/homme. Alors par où commencer …

– Déjà pourquoi vous n’utilisez pas de jours/homme comme les autres équipes, demande instantanément Camille.

– Pour commencer, tu es d’accord que l’objectif d’une équipe de réalisation c’est de réaliser un produit. Le principal indicateur à suivre, et donc à estimer, est la production de cette équipe et non le nombre de jours/homme consacrés à cette production.  Pour cela nous avons le Story Point qui est l’unité de mesure utilisée pour estimer le nombre de points de production disponibles par sprint (ou capacité à faire), réalisés au cours du sprint (ou la vélocité) ou nécessaire pour réaliser une US (estimation/chiffrage).

– Ok mais si tes Story Points ne sont pas du temps, alors qu’est-ce que c’est, s’interroge Camille.

– Et bien un story point tient compte de plusieurs éléments : la complexité de ce qu’il y a à réaliser, l’effort à fournir, la maturité technique et fonctionnelle de l’équipe et une part de ressenti.

– Ça peut paraître complexe comme ça, mais au final les équipes arrivent très vite à s’accorder sur leurs estimations, intervient Dominique.

– Et il faut savoir que cette unité est propre à chaque équipe. Tous les membres s’accordent sur une valeur étalon du point grâce à une US type. Dans certains modèles d’agilité à l’échelle on veille à ce que les échelles de chiffrage en story points soient cohérentes entre elles pour faciliter la communication, ajoutais-je.

Dominique a pris la suite de l’explication pour aborder la partie pilotage à l’aide des Story Points. Il a commencé par dessiner le triangle de gestion de projet avec ces 3 contraintes : le budget, la deadline et le périmètre.

Pour respecter ces contraintes, les équipes Scrum doivent estimer ce qu’elles pensent pouvoir réaliser en 1 sprint (la durée du sprint étant fixe). Ces estimations vont permettre de vérifier la faisabilité du produit dans le temps imparti ou identifier en combien de sprints nous aurons un MVP (minimum viable product). C’est primordial pour planifier et adapter l’ensemble des parties prenantes : gérer le plan de conduite de changement, planifier l’effet d’un changement de priorités … 

Camille me demande : “Bon ok mais concrètement vous faites comment pour estimer ?

– Personnellement j’utilise le planning poker (Coup de chance, j’en avais justement un dans ma poche). Le principe est le suivant : le product owner présente une user story et après des questions/réponses, chacun va choisir dans son jeu de planning poker le nombre de story points qu’il estime nécessaire pour réaliser cette US. En cas de désaccord, on échange puis on refait un tour jusqu’à trouver une valeur consensus.

c’est assez ludique et rapide mais surtout cet outil permet de prévenir certains biais :

  • Se rappeler que le chiffrage c’est un peu du poker, c’est une estimation basée sur des hypothèses, ce n’est donc pas une vérité absolue. Ça dédramatise le chiffrage et, sans stress, les équipes chiffrent plus justement.
  • La suite de Fibonacci permet de rappeler que la fiabilité des estimations est moindre pour les chiffrages élevés (au-delà de 13 story points, on considère que la complexité, l’effort etc. deviennent difficile à appréhender). Lors de cet exercice on va donc aussi découper le plus finement possible les US, vérifier qu’elles sont réalisables en un seul sprint et parfois identifier les tâches/étapes de réalisation pour que tout à chacun puisse facilement se faire une idée de ce qu’il y aura à développer. 
  • Abattre ses cartes tous en même temps évite le biais d’ancrage et permet à chacun, quelque soit son expertise ou son profil, de s’exprimer. 

– C’est très bien ton chiffrage en story point, mais si j’ai un tout nouveau produit à chiffrer on va y passer des jours avec ta technique, les abaques des CDP sont plus rapides, affirma Camille.

– La fiabilité des chiffrages en story point vient beaucoup de l’intelligence collective. Pour macro-estimer rapidement tout un backlog, il existe plusieurs pratiques basées sur le planning poker :  “speed estimation” (sur le principe du bubble sort, on va classer de proche en proche les US selon le nombre de story points estimé) ou “extreme quotation” (sur le principe du tri de cartes, on va regrouper les US ayant la même valeur de story point estimée). »

Je suis ressorti de cette réunion avec Camille complètement vidé. Mais je pense avoir été assez clair dans mes explications, il faudra que je prévois une session d’acculturation à l’estimation au plus vite.